IA et BD

Reproduction d’une réaction à chaud sur les réseaux sociaux après avoir rattrapé le retard de l’actualité en matière de bandes dessinées et intelligence artificielle. (Attention: je remets les pieds dans les polémiques de la fin des années 2000 à propos de la bande dessinée numérique, alors forcément, ça m’agace un peu…)

Aujourd’hui, dans le cadre de mes travaux de recherche, je rattrape un peu mon retard sur l’actualité et me renseigne sur les bandes dessinées créées au moyen d’IA génératives… et sur les réactions que ça suscite. Ca me renvoie beaucoup à l’époque où j’ai commencé à « prêcher » publiquement pour la bande dessinée numérique et que certains rejetaient violemment l’idée même d’une telle bande dessinée.

Je fais allusion plus particulièrement aux levées de boucliers (voire brandissement d’épées!) face à l’annonce de la publication de Mathis et la forêt des possibles (Jiri Benovsky) et de initial_A (Thierry Murat), jusqu’à la rupture du contrat par l’éditeur pour le second, sous les pressions. Bien sûr que les IA posent tout un tas questions éthiques, juridiques, artistiques, politiques, etc., auxquelles il faudra répondre. Bien sûr, à terme, je pense que le tout-venant du travail de conception graphique et de création leur sera confié. Mais face à la crainte de voir les éditeurs « évincer » les auteurs (c’est la Ligue des Auteurs qui parle d’« éviction »), je ne comprends pas du tout la réaction au mieux attentiste, au pire technophobe, de mes camarades…

On ne peut pas attendre que le législateur ait légiféré. On ne peut pas attendre que les éditeurs aient réellement remplacé les dessinateurs. C’est bel et bien aux artistes, aux auteurs, de s’emparer des outils de l’IA avant que les éditeurs ne le fasse en les remplaçant. C’est aux artistes qu’il appartient de ne pas laisser l’IA leur échapper. Elle doit devenir un de leurs outils pour ne pas devenir leur fossoyeur. (Sans compter que la bande dessinée s’illustre une fois de plus par son retard considérable sur les pratiques artistiques contemporaines…) Murat et Benobsky ouvrent la voie, chacun à leur façon. Encore aurait-il fallu entendre leurs propos pour comprendre que cette démarche était justement exploratoire, expérimentale, et finalement artistique. (Je ne parle là que de leurs intentions et démarches, je ne préjuge pas de la qualité de leurs livres que je n’ai pas vus.)

Vers 2010, je disais à qui voulait l’entendre (et ils n’étaient pas nombreux) que c’était aux auteurs de s’emparer du numérique avant que les éditeurs n’encapsulent salement toutes les bandes dessinées dans des « 48CC numérique », tels que je qualifiais alors les formats de lecture. Ca ne m’amuse guère aujourd’hui de redire la même chose à propose des IA… Je ne suis pas technophile, tout mon travail de recherche-création en témoigne depuis quinze ans. Je ne dis pas qu’il faut tous se mettre benoîtement à « prompter » toute la journée. Ce que j’essaie de dire, c’est que les artistes sont les mieux placés pour s’approprier ces outils et les tordre à leur manière, pour (re)devenir maîtres du jeu et donc indispensables à l’économie de la création.

Pour conclure, je propose de lire cette interview de Thierry Murat, qui explique bien sa démarche et décrit bien son processus de création.

Romuald et le tortionnaire indisponible

Après Aldwin et Caboche, Les limbes et Prise de tête, c’est au tour de Romuald et le tortionnaire d’être victime de l’obsolescence numérique et d’être provisoirement indisponible. La revue en ligne bleuOrange qui l’avait commandé et qui l’hébergeait a été dissoute et n’est plus maintenue à jour. De plus, il semblerait qu’il y ait aussi un souci d’obsolescence technique avec une méthode javascript qui ne serait plus lue par les navigateurs ou plus dans les mêmes conditions.

Vers une disparition des interfaces graphiques?

« Vers une disparition des interfaces graphiques? La bande dessinée numérique au prisme du webdesign. » Tel est le titre de mon dernier article scientifique, en ligne depuis une semaine au sein de la thématique « Ce que le numérique fait à la bande dessinée » co-dirigée par Gaelle Kovaliv et Olivier Stucky, de la revue Comicalités. Pour lire, cliquer directement sur le lien ci-dessus. Résumé:

Ce texte a pour point de départ une intuition affectant ma pratique artistique d’auteur de bande dessinée numérique : on assisterait concomitamment à une désaffection progressive des écrans d’ordinateurs par le public au profit des écrans des smartphones et à un appauvrissement progressif du design des interfaces graphiques. Le texte questionne d’abord cette intuition. Est-ce que l’hypothèse d’un appauvrissement ou d’une disparition des interfaces graphiques se vérifie ? En quittant provisoirement le champ de la bande dessinée numérique, le texte ébauche les contours d’un contexte historique et esthétique plus large dans lequel il paraît aujourd’hui nécessaire de la situer : celui du webdesign. L’analyse comparée d’un corpus de sites web dits créatifs et de bandes dessinées numériques, chapeautée par les notions d’énonciation éditoriale, d’architexte et de récit-interface, conduit à préférer parler d’inapparence et d’effacement des interfaces graphiques. Cette analyse permet aussi de retracer une histoire commune de la bande dessinée numérique et du webdesign dans laquelle des résonances plastiques se jouent entre les deux champs. Le texte fait alors l’hypothèse que tabularité de la bande dessinée, modularité des interfaces graphiques et régime multimédia sont intrinsèquement liés, s’ajustent les uns en fonction des autres, et qu’ils deviendraient caducs avec l’usage de technologies émergentes comme la réalité virtuelle.

Campagne Ulule pour La Vilaine #5

La campagne annuelle de financement participatif de La Vilaine est lancée! Nous proposons à nos lecteurs de pré-acheter le prochain numéro, accompagné ou non d’une myriade de contreparties toutes plus chouettes les unes que les autres. Cette récolte de fonds permet de constituer la trésorerie nécessaire à la fabrication du prochain numéro. On révèle au passage la délicate couverture dessinée par Claire Malary.

La Vilaine en résidence à l’Hôtel Pasteur

Depuis un mois déjà et jusqu’à mi-juillet, le collectif La Vilaine est installé en résidence à l’Hôtel Pasteur à Rennes! Nous y préparons la campagne Ulule qui arrive, le n°5 de la revue et des petites choses à l’occasion de cette résidence, dont une gazette hebdomadaire gratuite. Nous y avons aussi établi une mini boutique où vous retrouverez ladite gazette, les n°3 et 4 et des productions individuelles des auteurs.
La Vilaine n’ayant pas de locaux, ces trois mois sont un moment privilégié. Le travail est bien plus efficace et rapide en présentiel! Nous utilisons aussi nos deux salles comme un atelier partagé ouvert à tous les auteurs de la Vilaine qui le souhaitent.
L’hôtel Pasteur est ouvert au public (sauf le dimanche); venez nous voir!

Illustration: LoÏc Gosset.

Participation à June 50.

J’ai reçu ce matin mon exemplaire de June 50. C’est une folle publication collective, lancée pour les 50 ans de Julien « June » Misserey où chacun y va de son hommage ou de son anecdote sur l’intéressé. Ca fleure souvent la private joke, mais c’est débordant d’amour et de sincérité, de la part de toute la crème de la bande dessinée alternative mondiale. Et c’est là que c’est pas banal ; car le grand talent de June, c’est de savoir réunir et faire travailler ensemble toutes sortes d’artistes, des plus célèbres au plus obscurs, dans la joie et l’allégresse. On le lui rend bien ici, tous réunis pour l’aider à passer un fameux cap.

Le sommaire est en conséquence totalement dingue, et je m’y sens tout tout petit au milieu de ces grands noms. Si petit que mon nom a été oublié… Ce n’est pas très grave, car ma petite planche hommage est bien là, elle, pour participer à la liesse. J’ai rencontré June pour la première fois lors d’une session des 24h de la bd organisée par Périscopages à Rennes, en 2010 ou 2011. Avec l’énorme enthousiasme qui le caractérise, il m’a invité à participer à la troisième édition de la résidence-laboratoire PFC, en 2011. Il s’agissait de proposer des choses autour de la bd numérique à la flopée d’auteurs présents. Contre toute attente, je ne suis pas resté très longtemps intimidé au milieu de la crème de la bande dessinée alternative mondiale, puisque June a aussi ce talent de mettre tout le monde à l’aise. Bref, l’expérience bd numérique n’y fut guère probante mais je dois à June mon souvenir le plus important et vif de ma « carrière » artistique.

June 50 a été orchestré par Pierre Ferrero, Pierre Maurel, Jean-Christophe Menu et Renaud Thomas. | A propos de PFC : https://www.pierrefeuilleciseaux.com/ | Pour des détails sur l’atelier bd numérique de PFC#3, voir ma thèse : https://www.theses.fr/2014REN20024